Réflexion sur mon art naturaliste

Chemin personnel de création
A l'inverse du taxidermiste qui reconstitue l'anatomie à partir du squelette sur lequel il greffe la musculature pour créer un écorché le plus fidèle possible, le sculpteur part de l'extérieur et s'efforce de rendre l'importance des masses, l'épaisseur de la fourrure, le trait du plumage. Pour le plasticien, la justesse anatomique est là comme moyen de contrôle, comme vérité sous-jacente et non comme fin en soi, car trop affirmée, elle tuerait l'émotion première. Et c'est justement cette émotion que l'artiste cherche à exprimer par une imperceptible inclinaison de la tête, un mouvement à peine esquissé, la vibration subtile qui anime un prédateur en éveil... La recherche d'une attitude, d'un comportement, d'une vision fugitive reconstituée grâce au ressenti que l'on peut avoir dans sa propre musculature (à l'instar de Robert Hainard) engendre un tel frisson émotionnel lorsqu'elle est traduite avec justesse, qu'elle vaut, malgré son imprécision, toutes les planches d'anatomie.

Préoccupation expressive
Pour moi, il serait bien vain de pratiquer un art réaliste avec la seule intention de reproduire en 3D un animal ou un personnage. A l'évidence cela conduirait à des oeuvres plaisantes, mais à coup sûr sans âme.
Dans mes oeuvres j'essaie de trouver une expression selon quatre axes de préoccupation.
- Le premier est lié à ma formation de biologiste devenu un actif protecteur de l'environnement. C'est pourquoi des sculptures comme

fustigent l'arrogance de l'homme face à la nature.
- Le second tient à ma passion pour l'anatomie et la structure des être vivants, particulièrement à la possibilité de reconstituer des animaux éteints. Nombreuses sont les réalisations qui entrent dans cette préoccupation : (y compris le monumental diplodocus qui orne un giratoire), etc.
- En troisième lieu, l'admiration pour l'animal sauvage primitif intégré parfaitement dans un milieu intact, conduit à tenter de traduire la noblesse de cette faune. Ainsi est né : - Finalement, fasciné par ce que peut exprimer un être vivant par ses attitudes et son éthologie, je suis en quête de l'instant fugace. Instant précieux d'un grattage ou d'un aguet, d'une posture inhabituelle que tout éloigne d'une planche descriptive. etc, tout comme des figures de femmes dansant, ressortissent de cette veine.

Mes références
Barye et Mène pour la justesse anatomique, Hainard pour l'émotion, Pompon et Brancusi pour le style épuré.

Techniques et rapport au travail
D'autre part, la pratique des travaux manuels me procure un intense plaisir que je trouve toujours renouvelé en touchant à une grande variété de matériaux. Le bois avec ses fibres, la pierre avec ses textures, la terre avec sa sensualité inégalée, le plâtre avec ses propriétés particulières nécessitent des outillages spécifiques qui constituent un défi permanent pour l'artisan et qu'il me plaît de relever. En plus, chaque technique crée un environnement irremplaçable de copeaux, de poussières, d'odeurs, fort stimulant.
C'est pourquoi la sculpture est devenue plus qu'une passion, un véritable besoin... Il faut m'y résoudre, je suis 3D addictïf !

Joseph Chalverat, mai 2009
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